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Le Japon intègre le centre d’excellence de cyberdéfense de l’OTAN

Le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a récemment annoncé que le Japon allait rejoindre le hub de cyberdéfense de l’OTAN basé à Tallinn, en Estonie.

Cette décision fait du Japon un participant à part entière du programme au sein du Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération (Cooperative Cyber Defence Centre of Excellence ou CCDCOE) qui se concentre sur la recherche, l’entraînement et les exercices en cybersécurité. Cette nouvelle intégration permet en outre au Japon de monter en grade, passant du simple statut d’observateur, qu’il a tenu entre 2015 et 2018, à celui d’acteur. Dans ce domaine, le Japon a beaucoup à apporter aux vingt pays membres du programme CCDCOE.
Les exercices menés par la cybercoalition de l’OTAN présentent plusieurs types de scénarios, dont des cyberattaques lancées lors d’opérations de passage de frontières ou menées dans le but de compromettre des systèmes informatiques étatiques.
Le cyber est une priorité pour l’Alliance, comme l’a récemment indiqué le chef de la section Cyberdéfense au siège de l’OTAN, Christian Liflander : « Les cybermenaces deviennent de plus en plus complexes, destructrices et coercitives. En raison de leur caractère durable et évolutif, nous devons continuer de nous adapter et d’y apporter une réponse appropriée. Face à un environnement en constante évolution, l’OTAN doit tirer parti de son réseau tout à fait unique de pays membres, de pays partenaires et d’organisations. »
L’objectif est donc de faire converger les compétences de l’Alliance et du Japon pour faire face aux cyberattaques. « Conformément aux nouvelles lignes directrices de son programme de défense nationale, le Japon considère comme prioritaire le renforcement de ses capacités de cyberdéfense. Puisque les risques pesant sur le cyberespace gagnent actuellement en gravité, il est nécessaire de mener une coopération efficace avec les pays partageant nos conceptions, afin de pouvoir prendre des mesures rapides et appropriées en cas de cyberattaque, et je suis convaincu que le renforcement de la coopération entre le Japon et l’OTAN dans le domaine cyber va dans ce sens », a ainsi indiqué Kyosuke Matsumoto, directeur de la division Planification stratégique au ministère japonais de la Défense.
Merle Maigre, directeur du CCDCOE de l’OTAN, a souhaité la bienvenue au Japon comme participant direct, statut délivré aux nations qui ne sont pas membres de l’OTAN. Le Japon devient ainsi un partenaire très important de l’Alliance au-delà de ses frontières euroatlantiques et une puissance reconnue pour son savoir-faire dans le domaine de la cyberdéfense. D’ailleurs, des représentants de l’OTAN ont également eu des contacts avec les milieux universitaires et industriels japonais.
À l’heure où l’Alliance est confrontée à une grave crise de leadership et de confiance en Europe, l’intégration du Japon comme acteur à part entière au sein de l’OTAN en matière de cyberdéfense est aussi un moyen de maintenir le pivot vers le Pacifique, où la Chine, « puissance cyber » s’il en est, étend son influence.

Cyberdéfense : priorité de l’Alliance
L’élargissement du programme de cyberdéfense au Japon entre dans le cadre du renforcement du cyber au sein de l’OTAN. Cyberattaques de plus en plus fréquentes, sophistiquées et dommageables, actions de guerre hybride : l’environnement des menaces est en pleine évolution et se durcit.
C’est en 2002, lors du sommet de Prague, que les dirigeants des pays de l’Alliance ont pour la première fois reconnu la nécessité de renforcer les capacités de défense contre les cyberattaques. La première politique de cyberdéfense de l’OTAN a été adoptée lors du sommet de 2008 et, en 2014, les pays membres ont déclaré que la cyberdéfense faisait partie intégrante de la défense collective et qu’en cas d’attaque, l’article 5 pourrait être invoqué. En 2016, le cyberespace a été reconnu comme domaine opérationnel militaire : « Nous devons être à même d’opérer dans le cyberespace avec autant d’efficacité que dans les airs, sur terre et en mer afin de renforcer et de soutenir la posture globale de dissuasion et de défense de l’Alliance », ont indiqué les responsables militaires de l’OTAN. D’ailleurs, la première doctrine pour les opérations dans le cyberespace devrait voir le jour courant 2020.
Dans ce contexte, l’OTAN fait évoluer ses programmes de formation, d’entraînement et d’exercices. Le CCDCOE recense et coordonne les offres de formations et d’entraînement pour tous les organismes de l’OTAN et pour l’ensemble de l’Alliance.
En 2018 s’est tenu l’exercice « Cyber Coalition » qui a réuni plus de 700 participants issus des pays membres de l’Alliance, de pays partenaires et de l’OTAN elle-même. L’objectif était de tester l’intégration d’effets cyber souverains fournis à titre volontaire par un allié. D’autres exercices intègrent maintenant des volets cyber de plus en plus importants. C’est notamment le cas de « CMX » (gestion de crise pour les services du siège de l’OTAN), ou de « Trident Juncture » qui a concerné en 2018 toute la chaîne de commandement militaire.
En 2017, l’OTAN avait alloué trois milliards d’euros aux satellites et à la cybersécurité.

Légende de la photo ci-dessus : Le Centre d’excellence pour la cyberdéfense en coopération de l’OTAN, à Tallinn, en Estonie. © OTAN

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Boris Laurent

Spécialiste des questions de Défense, coordinateur éditorial du magazine DefTech.