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SOFINS : le salon dédié à l’univers des forces spéciales

DefTech. Pour nos lecteurs qui ne vous connaîtraient pas, pouvez-vous vous présenter en quelques mots ?

Benoît de Saint Sernin. Après avoir participé en 1997 à la création de l’École de guerre économique (EGE), puis travaillé dans le marketing et la communication pour plusieurs grands groupes, dont Disneyland Paris, j’ai cofondé en 2005 l’École européenne d’intelligence économique (EEIE) à Versailles, institution très opérationnelle où l’on ne se contente pas d’apprendre à faire de l’intelligence économique, mais où l’on en fait réellement, opérationnellement. Parallèlement à cette activité dans l’enseignement, je préside le Cercle de l’Arbalète, qui est la fédération des équipementiers des forces spéciales et unités spéciales (GIGN et RAID).

Comment est apparue l’idée de créer le salon SOFINS ?

Comme beaucoup d’histoires, c’est arrivé un peu par hasard. En 2012, le général Christophe Gomart, qui commandait les opérations spéciales, m’avait demandé, bien que je fusse externe au ministère des Armées, de rejoindre l’état-­major pour participer à l’organisation des 20 ans du COS, prévu en 2013. Parmi les concepts qui ont été proposés par les militaires eux-­mêmes, il y avait l’idée d’organiser un salon consacré aux forces spéciales.

Mais à la même période, le COS était également chargé d’intervenir au Mali dans le cadre de l’opération « Sabre ». Il aurait été nettement plus simple de se concentrer uniquement sur cette mission opérationnelle, mais le général Gomart a eu le courage et l’audace de consacrer des ressources non seulement à l’opération « Sabre », sa première mission, mais aussi à l’organisation du salon SOFINS, et en cela de parier sur l’innovation, et donc sur l’avenir des forces spéciales.

À l’origine, cette première édition du SOFINS était en quelque sorte le gâteau d’anniversaire des 20 ans du COS, et il ne s’agissait alors que d’un évènement ponctuel, unique. Mais face aux retours très positifs des opérateurs et industriels, nous avons conseillé de pérenniser ce salon. Et c’est de là qu’est né le Cercle de l’Arbalète, qui a repris le flambeau de l’organisation du SOFINS après cette première édition. Ainsi, c’est bien le COS qui a créé le SOFINS originel, dont le Cercle de l’Arbalète est l’émanation, et non l’inverse.

En quoi le SOFINS se distingue-t-il des autres salons du secteur de la défense ? Quelles sont les nouveautés prévues pour ce dixième anniversaire ?

Le SOFINS est né de la volonté des militaires d’avoir un salon pour leurs opérateurs. C’est donc un salon dans lequel on veut que les hommes et les femmes qui font véritablement la guerre puissent rencontrer celles et ceux qui conçoivent et fabriquent leurs équipements. Ce n’est pas un salon pour les grands chefs ou pour les relations publiques, mais bel et bien le salon des opérateurs des forces spéciales. Depuis dix ans, des opérateurs viennent au salon SOFINS pour discuter directement avec les industriels, leur faire des retours d’expérience sur le matériel, et découvrir les nouveautés qu’ils auront entre les mains prochainement.

C’est devenu un endroit où l’on peut véritablement tester les équipements. Au SOFINS, on est sur un camp des forces spéciales. On peut donc essayer en conditions quasi réelles les véhicules, le matériel, les armes, les munitions, etc. Cette année, pour la première fois, il va par exemple y avoir une Air Drop Zone qui permettra aux chuteurs opérationnels de pouvoir sauter avec les nouvelles voiles de la société Safran, avec qui il sera possible de débriefer après les sauts. Autre nouveauté, outre deux maquettes taille réelle représentatives des futurs H160M et NH-90FS, Airbus Helicopters viendra cette année avec un H145M qui va effectuer des vols de démonstration en conditions tactiques avec des opérateurs français à bord.

Autre nouveauté pour 2023, nous allons créer deux ou trois villages de tests dans la forêt de Souge, chacun avec huit exposants mettant à disposition leurs produits pour des essais en conditions réelles, aussi bien pour les délégations étrangères que pour les opérateurs français, ces derniers bénéficiant naturellement de quelques exclusivités. Le panel d’équipements sera très varié : drones divers, équipements de détection, armes à feu, explosifs, jumelles de vision nocturne, véhicules spéciaux, lasers, etc. Chaque équipement pourra ainsi être testé pendant plusieurs heures, dans l’environnement le plus réaliste et le plus immersif possible. De quoi pousser encore plus loin le concept du SOFINS.

Enfin, et il s’agit là d’un évènement ouvert à tous, le SOFINS a organisé une grande tombola au profit des associations qui aident les militaires blessés et les familles des militaires morts au combat. Chaque branche des forces spéciales – Air, Terre, Mer et le GIGN – propose un lot exceptionnel : mission de libération d’otages avec un saut opérationnel en tandem proposé par le CFST ; saut à la mer en tandem suivi d’un assaut sur un navire par la FORFUSCO ; insertion à bord d’avions spéciaux avec les commandos parachutistes de la BFSA ; saut en tandem depuis un hélicoptère et séance de tir avec le GIGN. Autant d’opportunités exceptionnelles pour tous les passionnés, et une belle façon de soutenir ces fondations et associations essentielles.

SOFINS fête donc ses 10 ans. Quel bilan tirez-vous de la décennie écoulée ? À quoi vous attendez-vous pour la décennie à venir ?

Par sa formule unique, le SOFINS est devenu en quelques éditions le rendez-­vous des forces spéciales mondiales, y compris des SOF américaines par exemple. De ce point de vue, c’est un pari réussi : nous sommes devenus une référence. Pour l’avenir, nous voulons continuer à creuser cette formule, ce concept de salon dans lequel on peut tester les équipements en conditions réelles, avec un réalisme et une immersion de plus en plus poussés. Si les villages d’exposants au cœur de la forêt rencontrent un beau succès cette année, on peut imaginer qu’à terme, pour l’édition 2027 peut-être, ce concept soit généralisé à l’ensemble des exposants.

Le SOFINS est un salon résolument tourné vers l’innovation, indispensable pour contrer la créativité des groupes terroristes, mais aussi des adversaires étatiques étrangers. Notre rôle, c’est d’être en avance sur l’ennemi, et de conserver cette avance. Cela impose une certaine confidentialité, et c’est pour cela que le salon n’est pas et ne sera probablement jamais ouvert au grand public. Et comme l’innovation est à l’honneur, et que nous souhaitons garantir une certaine proximité entre les industriels et les visiteurs, nos exposants sont triés sur le volet, et continueront de l’être à l’avenir.

L’année dernière a été marquée par l’invasion de l’Ukraine. D’après vous, quel impact cela a-t-il eu sur le monde des forces spéciales, tant du point de vue des opérateurs que de celui des industriels ?

L’impact de la guerre en Ukraine est clair : aujourd’hui, les forces spéciales ne doivent plus seulement lutter contre des menaces asymétriques, de type terroriste, mais doivent également affronter des adversaires lourdement équipés, possiblement dotés de technologies équivalentes, voire supérieures. On reparle donc d’opérations spéciales en milieu contesté, de combat d’égal à égal, de missions difficiles où il n’est pas possible de tout maîtriser.

Les forces spéciales, dorénavant, se préparent à des combats beaucoup plus rudes, avec des attaques cyber, des pertes de communication ou de GPS. L’entraînement et les tactiques devront être adaptés, mais les équipements devront également être repensés pour répondre à ces nouvelles exigences. Durant le salon, nous diffusons un film d’animation que nous produisons nous-­mêmes, le SOFTECH, qui anticipe les futurs besoins des forces spéciales et les réponses crédibles et réalistes pouvant être fournies par les industriels, avec autant de réalisme que possible. Cette année, signe de l’évolution du contexte mondial, le scénario qui nous a été confié par le COS nous projette ainsi dans un avenir proche, cinq à sept ans seulement, face à des ennemis technologiquement très avancés.

Vous dirigez également l’EEIE, que vous avez cofondée en 2005. Les récentes crises internationales, qu’elles soient sanitaires, diplomatiques ou militaires, ont-­elles entraîné un regain d’intérêt pour l’intelligence économique ?

De manière générale, les crises mettent en avant les fragilités, ce qui entraîne en retour le besoin de les corriger. Dans les entreprises comme dans les armées, il est nécessaire d’avoir des employés qui font du renseignement, qui pensent aux questions de sécurité, mais aussi aux problématiques d’influence, et le contexte actuel semble avoir provoqué une prise de conscience dans certains secteurs. Aujourd’hui, l’EEIE connaît effectivement une forte croissance, parce que les entreprises acceptent de consacrer des ressources à la recherche d’informations, à la cybersécurité ou aux méthodes d’influence.

 

Entretien avec Benoît de Saint Sernin,
fondateur et directeur général des écoles EEIE Versailles, PDG du Cercle de l’Arbalète.

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