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Brouillage et leurrage des signaux GNSS : l’armée de Terre à son tour menacée

La haute intensité fait un retour en force dans les états-majors. Dans ce contexte de tensions, une nouvelle menace apparaît. Après la Marine et l’armée de l’Air, l’armée de Terre va être confrontée à la compromission des signaux GNSS pour ses matériels, ses véhicules et ses hommes au sol.

Deux récents rapports de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) ont relevé des actions de brouillage menées par la Russie contre des drones en Ukraine. L’OSCE souligne que le brouillage et le leurrage (émission de faux signaux GNSS) font partie de l’arsenal russe visant à contrer les avantages technologiques des pays occidentaux, notamment des États-Unis, et donc de l’OTAN.

Le retour de la haute intensité

Ces opérations de guerre électronique prennent place dans un nouveau contexte de retour des conflits de haute intensité pour lesquels la France doit aussi se préparer.

Bruno Protte, directeur commercial France responsable du développement commercial pour les applications terrestres au sein d’iXblue, émet l’hypothèse de trois grandes menaces générées par ce type de guerre électronique. « La première concerne la survivabilité des équipages de véhicules au contact. Avec l’augmentation des moyens technologiques, le rythme de la manœuvre augmente et les véhicules visés par le brouillage des signaux GNSS risquent de perdre leur position, ou, dans le cas du leurrage, de compter sur une position erronée. » Dans un contexte de brouillage de signaux GNSS, « les unités engagées pourraient subir des tirs fratricides ou perdre leurs lignes de coordination », explique-t-il.

La deuxième menace concerne le combattant lui-même. « Les combattants ont l’habitude d’utiliser, même dans leur vie privée, des systèmes de navigation numériques avec une position GPS. Se repérer sur le terrain sans cela est devenu quelque chose de moins évident, car ce savoir-faire s’est peu à peu perdu. »

« La troisième menace concerne le combat collaboratif. Le recours au numérique est obligatoire pour le partage de renseignements, de cibles et de données. Le programme Scorpion est un très bon exemple de combat collaboratif, connecté ». Or, l’efficacité du combat collaboratif repose sur la qualité et la permanence de l’information géographique.

Quelles solutions ?

« Les États-Unis ont fait le choix du durcissement des signaux GNSS avec un système GPS plus robuste face au brouillage ou au spoofing », indique Bruno Protte. L’autre choix est le système embarqué de communication et de navigation inertielle indépendantes dont le modèle de centrale gyrocomposante permet de se repérer et d’évoluer là où le GNSS ne passe pas ou si ses signaux sont brouillés. « La France, contrairement aux États-Unis, a choisi les deux options. Le programme OMEGA permet le durcissement du GNSS (Galileo), mais au fond, il n’est qu’une reprise du modus operandi américain. D’ailleurs, ce durcissement pose de sérieux problèmes à des pays qui l’utilisent, qui se rendent ainsi dépendants des États-Unis. Or OMEGA pose le même problème par effet ricochet ». De ce fait, dans un environnement sans signaux GNSS, le moyen le plus sûr est bien la centrale inertielle qui ne dépend pas du GNSS pour s’aligner et naviguer. Ce type d’équipement était traditionnellement réservé à des matériels de type artillerie, radars ou chars lourds, les unités au contact se contentant de centrales d’entrée de gamme nécessitant le GNSS pour s’aligner. Mais les progrès technologiques et industriels ont rendu les centrales inertielles économiquement très accessibles, ce qui par ailleurs permet de les installer en grand nombre au sein d’une large flotte de véhicules.

Article paru dans la revue DefTech n°11, « Forces spéciales : innover pour vaincre », 2e trimestre 2021.
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Boris Laurent

Spécialiste des questions de Défense, coordinateur éditorial du magazine DefTech.