Avec le programme SCORPION, dont le Griffon est le fer de lance, l’armée de Terre sort ses griffes et se prépare pour la guerre du futur, de haute intensité. Malgré la crise sanitaire, le programme se poursuit à un rythme soutenu et permet à l’armée de Terre de continuer sa mutation technologique.
Plus de sept mètres de long, 2,54 mètres de large et 3,5 mètres de haut, la « bête » pèse 24,5 tonnes de poids total autorisé en charge. Sa « cuirasse » offre une protection balistique, contre les mines, les engins explosifs improvisés (les terribles EEI), contre le feu, les risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC). Telles sont les quelques caractéristiques du Griffon, véhicule blindé multirôle, qui va remplacer les vieux VAB, les véhicules de l’avant blindés de l’armée de Terre.
Au total, 92 Griffon ont été livrés en 2019. Cent doivent l’être cette année (contre 128 prévus), 157 en 2021. En 2025, le parc de Griffon devrait comprendre 936 exemplaires. La crise sanitaire est passée par là, ce qui a ralenti les livraisons, mais Nexter, Arquus et Thales se sont adaptés pour tenir le rythme.
L’armée de Terre était fière de présenter ses nouvelles capacités le 8 octobre dernier, à Versailles-Satory, avec notamment les éléments du programme SCORPION (Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation), dont le redoutable Griffon. Le major général de l’armée de Terre, le général Gomart, a raison de dire que l’on « change de gamme » avec « la puissance de feu, la protection contre les engins explosifs improvisés, la climatisation et l’élongation ». D’ailleurs, en 2021, les premiers Griffon seront déployés au Sahel.
Mais l’atout maître de véhicule est le high-tech. Le Griffon est rempli de vétronique, de capteurs, comme le système de localisation acoustique qui permet de déterminer l’origine d’un tir.
Avec les autres briques du programme SCORPION, le Jaguar, le Serval et le char Leclerc rénové, le Griffon symbolise la modernisation de l’armée de Terre qui passe par une mutation technologique indispensable et bien amorcée.
Le projet a démarré au début des années 2000, lorsque l’armée de Terre a commencé à penser le combat du futur, non pas en tentant de définir ses futurs adversaires, mais en imaginant comment les soldats combattront. C’est ainsi que sont nés SCORPION et le combat « infovalorisé », mobile, ultraconnecté, où les véhicules, les soldats et les états-majors communiquent en temps réel et disposent de toutes les informations qui sont partagées. Le temps d’action et de réaction n’en est que plus rapide. SCORPION donne véritablement un temps d’avance sur l’ennemi.
Le partage d’informations est rendu possible grâce au système de communication SICS, ou système d’information et de combat SCORPION. Mais l’armée de Terre voit au-delà de son arme et souhaite partager aussi les informations avec l’armée de l’Air et la Marine. Plus globalement, l’armée de Terre souhaite former une véritable « communauté SCORPION » avec les pays alliés et exporter le programme. La Belgique vient d’ailleurs de le rejoindre. Dans ce contexte, on peut regretter le choix de la Belgique de renoncer aux Rafale pour des F-35 américains. Le chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), le général Burkhard, a récemment émis le souhait de mener en 2023 « un exercice au niveau divisionnaire, en associant si possible d’autres composantes interarmées et aussi certains de nos alliés ».
Le Griffon et les autres véhicules de SCORPION ne seront pas de trop, car le général Burckhard a présenté cette année sa vision stratégique pour les dix années à venir. Il est devenu évident que les conflits se règlent dès aujourd’hui par le rapport de force.
La guerre du futur, une guerre de haute intensité
« Dans la décennie qui vient, nous devrons faire face à des crises et à des guerres bien différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui. En conséquence, nous devons endurcir l’armée de Terre pour qu’elle soit prête à conduire des engagements plus difficiles et plus complexes. » Les propos du général Burckhard sont limpides : les armées françaises doivent se préparer à la haute intensité. D’ailleurs, le constat est unanime au sein des états-majors de l’armée française. La Marine nationale elle aussi, par la voix de son chef d’état-major, l’amiral Vandier, a tracé sa vision stratégique : les marins français connaîtront le feu ; la Marine nationale se doit d’être prête pour la haute intensité.
L’objectif du CEMAT est bien de préparer l’armée à mener deux types de guerres : asymétrique, comme au Sahel, et symétrique, c’est-à-dire contre un adversaire de même nature dans un rapport du fort au fort. Dans le premier cas, l’armée engage des unités de la taille de la compagnie et du régiment, entre 150 et 1 200 soldats. Dans le deuxième, elle engagera des brigades, voire des divisions, soit entre 8 000 et 25 000 soldats. On change complètement de paradigme. L’armée de Terre prépare ses hommes et ses femmes à ces deux types de combats, notamment dans les opérations interarmes, déjà effectives depuis l’Afghanistan et encore plus pour « Barkhane » au niveau du GTIA (groupe tactique interarmes) de la taille de la compagnie. Elle les prépare aussi à la guerre informationnelle, à la synchronisation des attaques au sol avec des menaces cyber.
C’est dans ce contexte de retour de la haute intensité qu’a été développé le programme SCORPION, véritable rupture grâce à l’infovalorisation. Il est en phase exploratoire, de démarrage, mais peut compter sur un battle lab, une force expérimentale et une doctrine. Ce développement, très riche au quotidien, permet de former les chefs à cette nouvelle infovalorisation, à ces outils remarquables, mais aussi à la subsidiarité, la délégation qui apporte souplesse et flexibilité, tout en renforçant le lien de confiance entre les grades et la liberté d’action. C’est pour cette raison que l’armée de Terre réfléchit à la création d’une école technique pour les sous-officiers.
Légende de la photo ci-dessus : Système d’information et de combat SCORPION. © Ministère des Armées