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Marine nationale : l’innovation pour garder l’ascendant

Le 8 septembre dernier, la ministre des Armées, Florence Parly, était à Lorient, sur la base des fusiliers marins et commandos, pour présenter la stratégie d’innovation du ministère des Armées, une « priorité absolue pour notre autonomie stratégique », a indiqué la ministre. Au-delà, il s’agit pour la France de reprendre sa place sur la scène internationale grâce notamment à sa marine.

En septembre dernier, Florence Parly s’est rendue à Lorient, sur la base des fusiliers marins et commandos pour inaugurer de nouvelles infrastructures dans le cadre de la loi de programmation militaire 2019-2025 (LPM), mais aussi pour présenter la stratégie d’innovation des armées. Le choix de Lorient n’était pas dû au hasard, comme le soulignait la ministre : « Venir ici, c’était choisir un lieu emblématique, où l’invention foisonne depuis deux ans. » Florence Parly, par sa visite et son discours, confirme ce qui était pressenti depuis l’annonce du plan Mercator, version navale de la LPM : le retour en force de la Royale.

Innovation de défense : fédérer le militaire et le civil

La LPM 2019-2025 prévoit d’augmenter de 25 % les crédits dévolus à l’innovation. Ceux-ci s’élèveront à 1 milliard d’euros en 2022. La ministre a insisté : l’innovation est « une priorité absolue pour notre autonomie stratégique ». Une large part de ces investissements est consacrée au développement de technologies de rupture, nécessaires pour les futures capacités des forces armées françaises. Le budget innovation, pour 2020, est estimé à 821 millions d’euros.

D’ici à la fin de l’année, le ministère des Armées devrait créer un fonds d’investissement, Definnov, en coopération avec Bpifrance. Ce fonds sera doté de 200 millions d’euros et sera destiné aux technologies duales, c’est-à-dire civiles et militaires, mais aussi transversales avec l’intervention d’entreprises innovantes. Ce fonds Definnov vient se greffer au fonds Definvest de 100 millions d’euros.

En 2019, les efforts avaient été portés sur l’énergie, l’intelligence artificielle, l’espace et la cyberdéfense. En 2020, les priorités sont le domaine hypersonique, la lutte anti-drones, les armes à énergie dirigée (lasers et armes électromagnétiques), les nouvelles technologies dans les domaines des capteurs et des composants critiques, et, bien sûr, les technologies quantiques.

Le Document de référence de l’orientation de l’innovation de défense 2020 fixe les objectifs du ministère des Armées en matière d’innovation. Le ministère va poursuivre son effort d’investissement en recherche et développement et intégrera l’innovation civile et l’ensemble de l’écosystème des start-up pour le développement rapide de technologies à forte valeur ajoutée.

L’Agence de l’innovation de défense (AID) fédère donc le militaire et le civil. Pour cela, elle a créé un réseau, un « cercle des innovateurs pour échanger sur les priorités, faciliter les synergies et partager les bonnes pratiques et retours d’expérience ». Ce cercle prend le nom de Lynx, animal qui dispose d’une vue perçante. Comme l’indique l’AID, le lynx « incarne pleinement l’une des raisons d’être de la communauté de l’innovation de défense ».

Si l’AID fédère les différents acteurs, elle stimule également l’esprit d’innovation en son sein avec la création d’une « Académie de l’innovation de défense » qui intégrera des agents civils et militaires du ministère des Armées et leur donnera « les moyens de devenir acteurs de la transformation ».

La « tectonique des puissances »

Les propos tenus par la ministre des Armées à Lorient, notamment en ce qui concerne « le temps d’avance », entrent en résonance avec ceux tenus en septembre dernier par l’amiral Vandier, nouveau chef d’état-major de la Marine : « En mer, la conflictualité s’est considérablement développée depuis quelques années. Désormais, le conflit naval fait très nettement partie du champ des possibles dans l’hypothèse d’un conflit entre États. Cela nous oblige, nous devons être prêts. » Des propos que ne démentiront pas les marins français du Courbet, « illuminés » par les radars de conduite de tirs turcs au mois de juin dernier en Méditerranée.

L’amiral Vandier a également indiqué, alors qu’il prenait la succession de l’amiral Prazuck comme chef d’état-major de la Marine : « L’augmentation des incertitudes stratégiques est telle qu’elle est susceptible de conduire à des combats en mer ». Quelques jours plus tard, il disait aux élèves officiers de l’École navale, à Brest : « Vous entrez dans une Marine qui va probablement connaître le feu. Vous devez vous y préparer. »

En effet, partout à travers le globe, le contexte international tendu concerne les marines. Que ce soit en Méditerranée, en mer de Chine méridionale, dans le golfe d’Aden ou le golfe Persique, la puissance navale fait un retour en force dans les relations internationales. Le fait que deux grandes puissances continentales comme la Chine et la Russie se tournent à leur tour vers le « fluide » et ses espaces transversaux en témoigne. En témoigne également le retour d’une doctrine américaine plus dure des relations internationales dans le cadre des échanges commerciaux. La mer redevient ainsi le lieu de l’expression même de la volonté politique.

Le député des Hauts-de-Seine Jacques Marilossian définit ces tensions comme une « tectonique de puissances » avec plusieurs blocs : order (Occidentaux), re-order (bloc mené par la Russie), new order (Chine, mais également Turquie) et disorder (groupes terroristes).

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Boris Laurent

Spécialiste des questions de Défense, coordinateur éditorial du magazine DefTech.