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ILERI : une référence en matière de formation aux relations internationales

DefTech : Pouvez-vous nous rappeler en quelques mots l’historique de l’ILERI ?

David Vauclair : L’ILERI (Institut libre d’études des relations internationales) est une école qui s’honore d’avoir été fondée en 1948 par René Cassin, futur prix Nobel de la paix, et d’avoir été dirigée successivement par Albert de Geouffre de la Pradelle, le cofondateur de l’ILERI, René Cassin, Edgar Faure et Raymond Barre, notamment.

L’idée, derrière la création de l’ILERI, était de préparer les jeunes Français à un monde en train de changer, notamment en les formant aux carrières internationales, assez négligées par les écoles de l’époque. Cet accompagnement des étudiants au cœur des transformations internationales passe par deux vecteurs principaux, la diplomatie et la défense, et nous fournissons naturellement les outils permettant d’opérer simultanément dans ces deux cadres.

Quelles sont les formations aujourd’hui délivrées par l’ILERI ?

Depuis 75 ans, cette pédagogie s’organise autour de cinq piliers d’enseignement :

• le droit, pour comprendre le fonctionnement des systèmes ;

• la science politique et géopolitique, pour saisir ce que sont les espaces, et comment ils sont contrôlés ;

• l’économie, puisque les échanges commerciaux sont au cœur des interactions internationales ;

• l’apprentissage de trois langues étrangères, car pour pouvoir échanger et comprendre, il est bon de le faire aussi dans la langue de l’autre ;

• et enfin un cinquième pilier, celui de la professionnalisation, avec des stages obligatoires de plus en plus longs, au fil des années.

En Master, il faut également ajouter la possibilité de réaliser de l’alternance, mais aussi de faire de la recherche et de créer de la connaissance, avec la rédaction d’un mémoire suivant les règles académiques classiques.

Pour l’heure, nous disposons de deux campus, celui de Paris 17e et celui de Lyon 9e, en attendant l’ouverture du campus de Bordeaux en septembre 2023. Nous y proposons deux parcours : un premier cycle assez généraliste, articulé autour des bases des relations internationales, ainsi qu’un second cycle plus spécialisé, généralement sur des questions de défense, mais pas uniquement, puisque nous avons un MSc (niveau Bac+5) Affaires publiques, et nous lancerons à Bordeaux un MSc en « Relations internationales et gouvernance agroalimentaire ». Il s’agira d’une formation qui traitera de problématiques transversales à la fois très anciennes et très actuelles, comme on a pu le voir récemment avec les conséquences de la crise ukrainienne. Il faut souligner que dans nos Masters et MSc liés à la défense, le volet cyber est aujourd’hui très développé. Deux MSc se spécialisent en cyber : « Relations internationales et cyberespace », à Paris, et « Défense, cybersécurité et gestion des risques », à Lyon, et bientôt à Bordeaux.

On l’a vu dans l’actualité récente : les enjeux climatiques trouvent un fort écho auprès des jeunes générations, et vont avoir des conséquences de plus en plus notables sur les relations internationales. Quelle place a pris cette question dans vos enseignements, au fil des années ?

Nos étudiants sont évidemment intéressés par toutes les questions d’actualité. La question des transformations des grands équilibres et les problématiques transversales sont centrales dans nos enseignements, et cela concerne bien évidemment les crises environnementales et celles liées aux ressources de manière générale.

Les questions climatiques sont abordées sous plusieurs formes. Nos MSc comportent ainsi des cours liés aux problématiques climatiques et de gestion des ressources, par exemple. De manière générale, nos professeurs font évoluer leurs enseignements pour refléter l’actualité, et il va de soi que l’analyse de la situation au Cachemire ou dans la région des Grands Lacs, par exemple, ne peut se faire en éludant la question des ressources hydriques. Et, bien évidemment, dans notre MSc « Relations internationales et gouvernance agroalimentaire », ces questions sont centrales.

Et au-delà des cours, ces problématiques sont régulièrement abordées dans les conférences que nous organisons de manière hebdomadaire. Et, preuve de l’intérêt suscité par cette question, dans le cadre du Prix de l’essai géopolitique organisé chaque année par l’ILERI, les étudiants avaient choisi l’année dernière Géopolitique du climat – Les relations internationales dans un monde en surchauffe, de François Gemenne.

L’ILERI est résolument tourné vers l’international. Quelles sont les opportunités d’échanges proposées à vos étudiants ?

Il y a effectivement la possibilité d’effectuer des semestres à l’étranger, un par cycle, lors de la 3e année de Bachelor et lors de la 1re année de Master. La quasi-­totalité des étudiants qui font leurs cinq années d’études chez nous ont réalisé au moins un semestre à l’international. Nous avons noué des partenariats avec une quarantaine d’universités dans vingt-cinq pays environ, et nous faisons partie des programmes Erasmus.

Cependant, l’ouverture à l’international doit se travailler en continu. Quels que soient le parcours et le niveau, nous intégrons dans nos enseignements des cours en anglais, et la 3e année de Bachelor à Paris peut se faire intégralement en anglais. Mais outre l’anglais, qui est la « lingua franca » dans notre domaine d’activité, nous imposons l’étude de deux autres langues étrangères : une langue européenne et une langue non européenne. Autant que possible, ces enseignements sont dispensés par des locuteurs natifs des pays en question, en mesure de partager leur vécu et leur expérience.

On comprend que vos formations sont fortement tournées vers l’international, et vers les aspects pratiques et professionnalisants. Le contexte particulièrement difficile de ces dernières années, entre la crise Covid et les crises internationales, a-t-il eu un impact sur la formation de vos étudiants ?

Nous l’avons déjà évoqué, l’ILERI se donne pour mission d’aider ses étudiants à naviguer dans un monde en changement. C’est notre ADN depuis la création de l’institut. En 75 ans d’existence, nous avons déjà eu à nous adapter à des changements de paradigmes brutaux, et nos méthodes pédagogiques nous permettront d’intégrer les changements actuels et futurs de la même manière.

D’ailleurs, au-delà des cours que nous dispensons, la nature professionnalisante de nos formations fait que nos étudiants sont constamment en prise avec la réalité du terrain. Nous avons des relations de longue durée avec de nombreux employeurs du secteur, et les stages comme l’alternance sont perçus très positivement par les étudiants, mais aussi par les entreprises, qui y voient un moyen de former sur le long terme de futurs salariés compétents et investis. Ainsi, nos élèves entrent à l’ILERI avec un cadre de pensée d’étudiant universitaire, mais en ressortent avec les connaissances, les gestes et les réflexions de jeunes salariés. La quasi-­totalité d’entre eux sont ainsi en CDD ou en CDI dès la fin de leur formation, généralement avec des salaires généreux pour de premiers postes.

Comme tout le monde, nous avons subi la crise sanitaire, qui a eu un impact sur la mobilité internationale et sur les formations en entreprise. Cependant, notre ancienneté a aussi été une chance, puisque nous avons maintenu des liens très forts avec les entreprises partenaires, qui connaissent notre sérieux et celui de nos étudiants. Ensuite, nous avons historiquement une grande souplesse dans nos formations, justement pour pouvoir nous adapter aux changements et les anticiper. Sur l’ensemble de nos MSc et Masters, nous avons dès lors été en mesure de nous focaliser un peu plus sur les questions de cyberdéfense, de cybersécurité et de cyberespace, qui ont été largement mises en avant sur cette période.

Enfin, il convient de souligner aussi le rôle immense joué par les associations étudiantes de l’ILERI, dont certaines ont un rayonnement national, voire international, indéniable. Ces associations jouent un vrai rôle dans notre processus pédagogique, en permettant des échanges enrichissants, la création de premiers réseaux, et le développement de passions pouvant trouver écho dans leur travail universitaire, et plus tard professionnel. À l’ILERI, nous estimons qu’il existe plusieurs voies possibles et complémentaires pour apprendre et enseigner, et les associations étudiantes en sont une. Et bien sûr, sur des périodes éprouvantes, comme a pu l’être la crise sanitaire, ces associations ont vraiment contribué à maintenir le moral de nos étudiants.

Dernière question : cette année a été marquée par l’invasion russe de l’Ukraine. Quel est votre sentiment sur ce point ? Cela a-t-il entraîné des modifications dans les programmes d’enseignement, ou provoqué un regain d’intérêt pour cette région du monde par exemple ?

Bien évidemment, nous continuons d’organiser un certain nombre de conférences en lien avec ces thématiques. Nous avons la chance à l’ILERI, sur la plupart des grandes thématiques, de pouvoir donner la parole à des voix parfois discordantes, parfois complémentaires, parfois transversales ou originales, mais toujours étayées et ouvertes à la discussion. Cette diversité de points de vue, que ce soit chez nos enseignants ou chez nos étudiants, est véritablement encouragée, y compris sur la question ukrainienne.

De manière plus anecdotique, on constate assez logiquement une augmentation des demandes de mémoires sur les questions russes et/ou ukrainiennes, mais aussi, pour la première fois, une baisse significative des étudiants inscrits aux cours de langue russe, ce qui a été une surprise pour nous. Je ne sais pas si l’on doit y voir une causalité, une corrélation ou le simple fruit du hasard, mais nous verrons si cette tendance se poursuit ou s’inverse à la rentrée prochaine. Dans tous les cas, cette question du conflit ukrainien intéresse beaucoup nos étudiants. 

Entretien avec David Vauclair, directeur de l’ILERI.

Légende de la photo ci-dessus : Les étudiants de l’ILERI participant au MUN (Model United Nation), des simulations des Nations unies qui se déroulent dans de nombreux pays, et permettent de faire découvrir le fonctionnement de l’ONU. (© ILERI)

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